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Machine à souffrir Songtext
von Jean Guidoni

Machine à souffrir Songtext

J′ai trouvé, au marché aux puces de l'amour
Une machine à souffrir
Le vendeur m′a dit "Prenez-la
Prenez-la pour rien, je vous l'offre
Elle n'a pas l′air, comme ça, mais avec elle
Vous pourrez souffrir tout votre soûl

Je riais, cette machine entre les mains
La retournant dans tous les sens
Et je pensais "Machine hors d′usage
Ou machine pour débutant
Il me faudrait à moi l'un de ces nouveaux modèles
Qui accrochent bien sur les peaux dures

Mais l′homme insistait "Je vous assure
Comme ça, des fois, quand ça me prend
Je l'utilise moi-même
Et savez-vous qu′elle me fait encore de l'effet?
Regardez-moi. J′ai l'air de mentir?
J'ai regardé l′homme et j′ai pris la machine


Il y avait tant de temps que j'n′avais pas souffert
Qu'au beau milieu de la nuit
Je me suis réveillé en sursaut
Et pourtant, comme il était faible
Le tic-tac de la machine à souffrir
Un souffle, mais qui traversait les cloisons
Une lumière aussi qui passait sous les portes
Et me guidait jusqu′à l'évier
Jusqu′au verre d'eau fraîche
Et jusqu'à la chaise de formica où je me suis assis
Pour oser enfin la regarder

Dès ma plus tendre enfance
On m′a toujours offert des machines à souffrir
Et sans être grand expert
Il me semble que j′en ai vu assez
Pour savoir si l'objet tiendra les promesses de la notice
Ou bien si, une fois de plus
Je me suis fait rouler par le marchand de souffrance

Là, le doute n′était pas possible
Cette machine avait le galbe des grands modèles
Ce fini, ce chic du grand faiseur, avec en plus
Ces p'tits défauts qui dénotent la main de l′artisan de génie
Ces imperfections admirables
Qui font la chose rare, la pièce unique


J'ai fermé ma porte à double tour
J′ai décroché le téléphone
J'ai fait sauter le commutateur
Et je me suis mis nu, attentif à faire que rien, rien
Ne perturbe les effets de la machine
Puis je me suis étendu sur le lit
De tant de nuits sans histoires

Oh, ta lèvre avec sa gerçure qui saigne
Oh, le tronc courbe de ton cou renversé
Oh, à ton bras plié la lavande amère de ton aisselle
Ton âme battante sous le grain de café brûlé de ton sein
Oh, tes ailes coupées, tes interminables jambes de girl
Et la vipère noire de ton bras là ou elle t'a saignée
Et là, l′aigle jaune et bleu qui n′a pas su te défendre

Oh, la pyramide blanche
Impénétrable et pourtant pénétrée
Que veille le fantôme de l'éléphant de ton oreille
Oh, sous ma main, ce choc
Au-dessus de moi et au-dessous de moi, ce choc

Et mon bras qui soulève et retient
Ces lourds velours couleur d′opéra
De boeuf saigné et de crépuscule
Comme ces toits violets
Où meurt la courbe infinie de ton flanc

Oh, ma maja desnuda
Dans la neige des draps prise
Tu dors la bouche ouverte
Murmurant quoi? Rien
Rien que les retombées de ton programme
Les chiffres initiaux d'une sourate de ton propre coran
Le verbe inconnu qui veut dire
Je suis bien avec toi et pourtant je ne t′aime pas, tu sais
Je ne t'aime pas mais ce n′est pas si mal
Puisque je fais si bien comme si

Et moi qui ose m'approcher de cette chose inconnue
De cet astre tombé dans mon champ optique
Comme ces grosses machines étincelantes
Des films de science-fiction
Tombées dans les champs de céréales du Middle West
Moi, qui regarde cette architecture inconnue
Cette peau inconnue, ces poils en très gros plan
Et les minimes imperfections de ce tissu

Moi qui ose me glisser tout au long avec le souffle court
Avec la lanterne sourde de mon oeil
Avec le recul de mes doigts
J'entends, lointaine, l′immense rumeur
De mille passions oubliées, enchevêtrées
Comme les queues gluantes du roi des rats

J′entre dans tes souterrains obscurs
J'y entends des déflagrations qui montent comme des bulles
Et viennent crever au jour dans le remous des duvets
Ployés comme des avoines sous un ciel d′orage
Et je vois des cicatrices jamais refermées
Impacts de balles traçantes qu'un homme affolé tire au hasard
Dans un labyrinthe humide et chaud
Dernier baiser d′un inconnu assis sur la chaise électrique
Et disant au mur carrelé de blanc
Où glisse une goutte d'eau salée "Je t′aime"

Marchand! Marchand! Marchand
Tu ne m'as pas berné
Ta machine fonctionne parfaitement
Elle soupire, elle ronronne, elle digère
Forfait d'amour accompli
Et moi, au long d′elle étendu
J′écoute ses circuits et son coeur de titane
Sous le grain de café brûlé de son sein

Et déjà, je considère mon infinie faiblesse
Les entailles de mon corps
Où sont collées ses électrodes
Ses griffes et ses bouches
Et déjà, je redoute l'éclat de son oeil électronique
Sous ses cils d′acier
Sa lueur si douce dans l'âpreté des draps souillés
Quand, dans un instant, va sonner l′heure de son réveil
Et qu'elle va me demander
Avec cette tendresse si suspecte et si corrosive
"Tu as bien joui? Tu as bien dormi? Tu m′aimes?
Et, bien sûr, je lui répondrai "Je t'aime"

On ne doit jamais contrarier les machines à souffrir
Même lorsqu'elles analysent vos émotions
Lorsqu′elles vous parlent de leurs utilisateurs précédents
Et même lorsqu′elles vous y comparent
Car elles ont toujours connu de ces usagers
Aux souffrances riches et célèbres
Hautes et distinguées
Souffrances raffinées auxquelles je ne puis prétendre
Évidemment
Car il n'est pas de machine pour souffrance exclusive

Et je dois me persuader qu′après tout, elle n'est pour moi
Qu′un modèle possible entre bien d'autres
Et que moi je ne suis qu′un usager tout à fait ordinaire
Avec seulement, peut-être, en plus
La capacité de souffrir énormément
Ce qui n'est pas donné à tout le monde
Ce qui n'est donné qu′à quelques-uns
Aux solitaires comme moi
Toujours prêts à gaspiller le trésor
De leur bienheureuse solitude
Pour un misérable orgasme

Je connais ce jeu, j′y ai déjà perdu
Et je redemande des cartes
Je sais trop bien, Machine
Que je n'ai pas le droit de te reprocher ta rouille
Les grincements de tes rouages, souvent
Tes emballements, soudain
Ta lassitude, parfois
Lorsque tu te dis à bout de souffle
Ne t′ai-je pas trouvée
Au marché aux puces de l'amour?

Alors, parfois, lorsque je souffre moins
Quand la tentation me prend d′arracher ces électrodes
Et de nous rendre à nos deux solitudes
Je pense à ta propre souffrance
À ces larmes que tu ne verseras jamais
À toute cette détresse si habilement carénée
À ta splendeur trompeuse
Et je me demande qui de nous deux
Est la machine à souffrir de l'autre
Qui de nous deux
Détient la notice la plus incompréhensible

La tienne, j′n'ai même pas besoin de la lire
Et d'ailleurs elle est illisible
Rongée par les larmes, les acides, les sueurs
Mais je la connais par coeur
Et ses indications sont formelles

Elle précisent
1 Aucune de nos machines ne peut être garantie
2 L′utilisateur devra lui-même établir les règles
De son bon fonctionnement
3 Un seuil de tolérance reste à situer
Il ne saurait être dépassé sans risque pour l′utilisateur
4 Les effets du régime particulier dit
Par commodité ou dérision, "Amour"
Qui peuvent apparaître au-delà du seuil indiqué
Ne sont imputables en aucun cas au constructeur de l'appareil
Celui-ci ne pourrait dès lors être tenu pour responsable
Des accidents qui en résulteraient
5 Il existe un recours
6 Une simple adaptation technique permet en effet
À la demande expresse de l′utilisateur
De transformer la machine à souffrir en machine à mourir

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